..comme toi-même » - « Tu ne commettras point d`adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et ceux qu`il peut encore y avoir, se résument dans cette parole: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ce type de paragraphes, piochés au hasard dans les rares livres moldus qu'il avait l'occasion d'ouvrir, confirmait à Scorpius que ces gens étaient d'une tout autre espèce que la sienne. Chez les sorciers, on savait pertinemment que personne n'était capable de ne jamais voler, tuer, envier ou même ne jamais entretenir de relation extra-conjugale sans se faire appeler Saint-Merlin. La nature humaine était conditionnée pour franchir ces limites, et la brider aurait été faire insulte à la bonne santé transmise des parents aux enfants durant l'enfance. C'était en tout cas comme ça que le premier fils des Malefoy voyait les choses, et rien n'aurait pu l'empêcher de camper sur ses positions. Qu'on le prenne pour une qualité ou pour un défaut, il avait une confiance en lui démesurée et, par extension, croyait en ses propos comme les moldus croyaient en leurs livres saints ; si son subconscient lui disait qu'il avait raison, alors il avait raison et il ne servait plus à rien de discuter.

L'un des piliers de la bible scorpiuscienne, le cinquième, l'inutile, en fait, était la famille. Sous ce terme, plutôt vague, il avait choisi de regrouper toutes les personnes auxquelles la tapisserie généalogique des Malefoy le rattachait, soit ses frères et sœurs, les cousins étant strictement exclus. Ceux-là étaient indésirables plus en raison de leurs personnalités respectives qu'à cause de leur nom, même si celui-ci ne plaidait effectivement pas en leur faveur ; on est amené à faire tant de choses au sacro-saint nom de la « famille » qu'il vaut mieux choisir de qui elle est composée. Aîné de six enfants, cadet d'un autre, la nouvelle génération ne manquait que de branches pour y noter tous les noms. Et quels noms ! Lucius et Narcissa avaient dû passer des soirées entières à déchiffrer les archives du manoir pour y découvrir les prénoms les plus ridicules qui soient, certains inusités depuis deux siècles, voire plus. Raison supplémentaire pour se serrer les coudes face à l'oppression ! Il avait toujours su que créer un comité de défense contre les prénoms ringards était une bonne idée, il le lui avait dit, à Nymphadora, qu'il fallait qu'elle l'aide. Surtout qu'elle aussi, à ce niveau-là, elle était salement handicapée. C'était elle la moins bien tombée, avec Scorpius lui-même et Drago, gratifié du second prénom « Lucius », pour dédramatiser le premier.


À cheval entre le couloir et le vide, assis sur une rambarde de sécurité, le jeune homme d'une quinzaine d'années patientait. À plusieurs centaines de mètres en dessous de lui, miniaturisées par un effet d'optique, cent petits points noirs se déplaçaient à travers le parc sans savoir qu'ils étaient observés. Chaque unité était détachable du lot, suivant une trajectoire qui lui était propre, et chaque déplacement était visible. Il n'était peut-être pas assez haut pour que tout soit brouillé, ou alors sa vue était encore meilleure que celle d'un aigle – plausible, selon Scorpius, mais peu probable pour n'importe quelle personne sensée. La distraction était des plus attrayantes quand, sans qu'aucun indice ne lui parvienne, un mouvement de masse emporta sa fourmilière à l'intérieur du château et le priva brutalement de son spectacle. Quelle heure pouvait-il être ? Onze heures, midi ? Le soleil était au zénith, midi. Le repas devait être en train de commencer, c'était la raison qui les avait tous poussés à rentrer. Et lui était là, sept étages plus haut, sans nourriture à l'horizon, attendant désespérément une tête blonde – ou rousse – de la fratrie Malefoy, pour laquelle il sacrifiait, une semaine sur trois, une petite heure de son temps. Histoire de faire causette, de se mettre au courant des derniers potins de chaque maison et, surtout, de s'assurer une main-mise sur un héritage conséquent.

on en est ou ici?